Albane Schlechten, directrice de la FCMA et de Swiss Music Export
Genève, mai 2020
« Il est clair que c’est fantastique de partager notre musique en deux clicks avec des gens à l’autre bout de la terre. On ne va pas aller à l’encontre de cet acquis. Mais il est important que les artistes puissent continuer d’être rémunérés pour leur œuvre enregistrée. Le milieu du cinéma l’a prouvé. La Confédération a proposé de taxer les bénéfices de Netflix réalisés en Suisse à hauteur de 5% pour soutenir la production de films. Il me semble que cela devrait être facilement adaptable à la musique dans tous les pays du monde. En Suisse, c’est quelque chose qui a à voir avec la taxation des multinationales et qui est donc du ressort des commissions fiscales de l’administration fédérale. La branche musicale doit se faire connaître de ce secteur auprès duquel nous sommes quasiment inexistant. Le terrain est évidemment très compliqué surtout si l’on sait que le plus important centre de développement et de recherche de Google en dehors des Etats-Unis est basé à Zurich.
C’est un processus qui va prendre des années et qui doit aussi se faire en relation avec les autres pays européens. La France a de l’avance sur nous puisque elle a adopté l’an dernier une loi mettant en place une « taxe GAFA » de 3% sur le chiffre d’affaires des géants du numérique.
Je me faisais aussi la réflexion suivante: puisque les œuvres enregistrées ne s’écoutent plus que rarement dans leur totalité, mais plutôt par séquences ou titres qu’on enchaîne selon nos goûts. Pourquoi ne pas être inventif ? Pourquoi ne pas se réapproprier le geste du collectionneur et songer à intégrer cette possibilité d’achats par morceau ou album sur une plateforme existante comme par exemple; on pourrait se créer sa propre playlist en rémunérant les artistes équitablement? La période de confinement actuelle a montré que les gens aiment partager leurs coups de cœur. Cela nous permettrait de « chiner de façon virtuelle ». Les plateformes de streaming proposent déjà leurs playlists qui sont souvent très bien mais un peu restreinte, car elles tendent évidemment à proposer des sélections de morceaux déjà relativement populaires.


Vers un statut d’artiste
L’autre grand défi à relever en Suisse est la question du statut de l’artiste. La crise actuelle prouve qu’on s’est débrouillé jusqu’ici avec bouts de ficelle et un système D qui n’est plus envisageable à l’avenir. La vulnérabilité de la branche est désormais apparue au grand jour. Une professionnalisation es nécessaire. A ce titre, la situation est très différente en Suisse allemande où les musiciens ont souvent opté pour un statut d’indépendant et gèrent leurs charges sociales alors qu’en Suisse romande plus de 50% des artistes dans le domaine des musiques actuelles n’ont même pas le statut d’indépendant. Leur cachet sont dérisoires. Sans toucher un minimum de revenus, il est difficile de commencer à penser à se structurer ! Il me semblerait pertinent que, par exemple, SONART, l’Association suisse des musiciens joue un rôle central dans ce processus et qu’elle propose des solutions pour employer les artistes, générer des fiches de salaires et payer les charges sociales- prestations de type caisses de compensation (caisse gérant toutes les branches d’assurances sociales en Suisse). En Suisse romande cela répondrait à un besoin prépondérant dans la branche. De cette façon les musiciens suisses auraient juste à s’inscrire et tout serait centralisé. Un autre grand chantier en perspective.»
Still A-live! Pendant cette période de confinement inédite, l’équipe de Show-me est partie à la rencontre de musiciens et acteurs culturels pour les interroger et prendre le pouls de leur réflexion. Quel est ou que devrait être le statut de l’artiste? Quelles