Catherine Benainous: «Il faut multiplier les sources de financement de l’art»

Catherine Benainous, management de Ray Lema
Genève, mai 2020

Catherine Benanouis
Catherine Bananouis

« Il est clair que l’économie numérique représente un manque à gagner pour les artistes et leur entourage. On est obligé de faire du streaming et de gérer des décomptes de 60 pages pour toucher peut-être 120 €…..Dans ces conditions, les revenus de la scène ont pris beaucoup plus d’ importance. Ils représentent aujourd’hui le 90% des revenus de l’artiste et de son entourage. La question qui se pose dès lors est que peut-on faire en étant confiné ou interdit de concerts? Et je ne vois pas de solution de remplacement viable. Le concert en live streaming ne représente pour moi qu’une désacralisation du concert live.

J’ai vécu au Brésil de 1985 à 1999, je n’étais pas encore la manager de Ray Lema et je travaillais dans l’événementiel. C’est là que j’ai expérimenté un système totalement inédit mis en place par l’État brésilien dans les années 90. Il s’agissait de la loi Rouanet, une loi qui visait à aider la création dans tous les domaines artistiques. Cette loi prévoyait que l’État décide de renoncer à percevoir une partie des impôts des entreprises si ces-dernières investissent dans la culture. Autrement dit: une entreprise pouvait décider d’allouer 10% du montant de ses impôts à des projets artistiques de son choix.

Le dispositif était le suivant. Le ministère de la culture avait créé une commissionspéciale qui recevait les projets des acteurs culturels. Les trois critères d’évaluation étaient la pertinence du budget, la fiabilité du producteur de spectacle et la nécessité de présenter un contenu culturel. Si le projet était retenu, il recevait un numéro. Armé de ce numéro, l’entrepreneur culturel pouvait aller démarcher les entreprises. Dans un premier temps, le système a très bien marché. Certaines entreprises ont commencé à se spécialiser dans une branche particulière. L’entreprise pétrolière Petrobras s’est par exemple positionnée sur le cinéma. Grâce à elle, le cinéma brésilien a connu un véritable renouveau. Si je compare ce système orienté vers le sponsoring avec le système français presque exclusivement basé sur les subventions, il me semble que les avantages sont les suivants :

  • Les entreprises bénéficient d’une visibilité médiatique qui ne leur coûte rien (dans chacune des actions publicitaires des projets culturels soutenus, le sponsor était mentionné)
  • Le système permet d’éviter le favoritisme et le lobbying. Avec un subventionnement public, on a souvent l’impression que ce sont toujours les mêmes acteurs qui reçoivent les fonds.
  • La possibilité de créer des nouveaux métiers dans la branche, des métiers comme «chasseurs de sponsors». Au Brésil, petit à petit se sont constituées des agences spécialisées dans la recherche de financement culturel.

Il faut par contre aussi mentionner que, assez rapidement après que la loi soit entrée en vigueur, les dessous de table sont devenus courants. Je trouve néanmoins intéressant de multiplier les sources de financement de l’art. En France, la loi relative au mécénat de 2003 stipule qu’en soutenant financièrement des activités artistiques une entreprise peut déduire le montant de son soutien de ces revenus. Mais la retenue se fait sur la déclaration de revenus et non pas directement sur le montant de l’impôt. La renonciation de l’État brésilien a une part d’impôt est un geste plus fort en faveur de la culture et c’est ce dont nous avons besoin maintenant. »

Still A-live! Pendant cette période de confinement inédite, l’équipe de Show-me est partie à la rencontre de musiciens et acteurs culturels pour les interroger et prendre le pouls de leur réflexion. Quel est ou que devrait être le statut de l’artiste? Quelles rémunérations possibles? Quelle évolution au sortir de la crise?

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