Claire Henocque, Paris, juin 2020
Fondatrice et gérante de Tour Makers, agence de booking tournée vers l’international et spécialisée dans les musiques du monde
« Avec le confinement, les artistes ont décidé de jouer des live digitaux, notamment sur les réseaux sociaux, et de nous offrir de la musique. En France, la SACEM a passé des accords avec Facebook et Instagram, ce qui permet aux artistes de toucher une rémunération brute minime. Mais il n’y a malheureusement pas encore de modèle économique et les artistes gagnent trop peu d’argent. C’est problématique, surtout en période de confinement puisque l’arrêt de l’activité des spectacles pousse déjà les artistes vers la précarité. Youtube pose le même genre de problème: les artistes ne touchent que très peu d’argent sur les vues de vidéos. Il est donc impératif de trouver un modèle économique qui fonctionne avant qu’on ne se retrouve dans une situation similaire à celle du début des années 2000, quand le CD a commencé à décliner au profit du téléchargement et du streaming.

Le confinement a accéléré la tendance de consommation des live digitaux et mis en lumière les dangers de ce système. Aujourd’hui Facebook commence à développer une billetterie pour ses live digitaux, mais on en est encore au tout début et rien ne prouve que cela soit viable à terme. Les artistes se retrouvent donc à produire du contenu gratuitement et à le diffuser gracieusement. Le live digital pose également la question de la place des agences de booking, qui organisent habituellement les tournées des artistes «physiques». Aujourd’hui, tout ce qui est captation de concerts passe par les labels, puisque ce sont les détenteurs des droits d’exploitation.
Pendant le confinement, beaucoup des festivals, ayant annulé leur manifestation en extérieur, ont demandé aux artistes de se produire sur leur plateforme en remplacement, sans leur proposer de cachet. Si l’on veut que toute la filière (artistes, tourneurs et professionnels qui les entourent) puisse vivre de son activité, Il me semble important de faire une distinction nette entre ce qui relève de la promo et, par conséquent, peut être fait gratuitement et ce qui relève du contenu artistique et doit être rémunéré. J’aurais tendance à prouver que les GAFA et les fournisseurs d’accès Internet devraient être taxés pour aider à financer la création et la production de contenus artistiques: un gros chantier qui ne peut être mené que par les gouvernements si on veut qu’il ait une chance d’aboutir. »

Still A-live! Pendant cette période de confinement inédite, l’équipe de Show-me est partie à la rencontre de musiciens et acteurs culturels pour les interroger et prendre le pouls de leur réflexion. Quel est ou que devrait être le statut de l’artiste? Quelles rémunérations possibles? Quelle évolution au sortir de la crise?
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