Laurent Bizot: « La seule solution si on veut faire bouger les choses est de se fédérer »

Laurent Bizot, directeur du label No Format
Johannesbourg, mai 2020.
« Comme tout le monde le sait, la musique enregistrée est désormais essentiellement consommée en ligne via les plateformes de streaming. Dans ce domaine, la piste de réflexion qui me semble la plus crédible c’est ce qu’on appelle le système «user centric», qui est directement connecté à l’acte de consommation de l’utilisateur.

Pour le moment, les décomptes des royalties sont calculés au prorata du marché global. Le nombre d’écoutes d’un morceau est mis en relation avec le nombre d’écoutes globales, sur le total du nombre de streams. Les plateformes ne répartissent pas l’argent payé par chaque abonné en fonction de ce qu’il a écouté, mais elles regardent ce que pèse, au global, le nombre d‘écoutes d’un morceau par rapport au nombre d’écoutes total.

Or on estime que les musiques des 16-25 ans sont écoutées beaucoup plus de fois par la même personne que les musiques un peu plus adultes. Généralement, on n’écoute pas un morceau de jazz ou de musique électronique 18 fois dans la journée. Le système actuel avantage donc la musique consommée par les ados ou les jeunes adultes, en ce moment le rap et la musique dite urbaine, outrageusement dominatrice sur les plateformes de streaming. Si on raisonne à partir de ce qu’a écouté un auditeur, et qu’on répartit l’argent de son abonnement aux artistes qu’il a écouté, et ce pour chaque auditeur, on favorise la diversité et la rémunération de musiques qui ne sont pas forcément écoutées « en boucle ». Sans parler des possibles fraudes d’achat de streams, avec les streams générés artificiellement par des robots.

La piste «user centric« est pour beaucoup de professionnels la garantie d’une clef de répartition plus équitable. C’est du moins notre première intuition qui justifierait que des études soient faites le plus vite possible. Si ces études confirment que nous sommes sur une bonne piste, il faudrait alors que l’opinion publique et les organismes effectuent une pression sur les plateformes de streaming pour qu’un système «user centric» soit mis en place.

La taille des structures (Spotify, Amazon, Facebook, Google, Apple) auxquelles on va devoir alors s’adresser est tellement énorme que la seule solution si on veut faire bouger les choses est de se fédérer et d’y aller en groupe. Il faut absolument que tous les acteurs de la branche soient ensemble, un peu à l’image du cinéma qui va négocier une amélioration de budget pour le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Ce n’est pas le syndicat des monteurs qui va demander un truc, puis le syndicat des acteurs blonds qui va demander autre chose. Ils font comme s’ils étaient soudés – même si ce n’est pas forcément le cas – et ils vont ensemble défendre les intérêts de la filière. C’est malheureusement ce que l’on ne sait pas faire en musique où chaque petite chapelle, chaque groupe d’acteurs a son propre syndicat, mène sa propre réflexion… Il faut vraiment qu’on soit unis. »

Laurent - by vinciane verguethen
Laurent Bizot – par Vinciane Verguethen

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